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Saisie conservatoire : condamnation du tiers détenant de mauvaise foi

Les effets d’une saisie conservatoire ne concernent pas uniquement le débiteur et son créancier saisissant. Lorsqu’un tiers détient les biens matériels ou immatériels faisant l’objet de la saisie conservatoire, ce dernier a également un devoir d’information et de coopération, notamment auprès de l’huissier de justice en charge de la saisie. En effet, l’objectif ici est de ne pas rendre insaisissables des biens en les transférant à un tiers.

Par conséquent, le tiers détenant les biens saisissables engage sa responsabilité si ce dernier ne coopère pas, refuse de communiquer les informations demandées ou fait une déclaration inexacte. La Cour de cassation dans un arrêt du 4 février 2021 (19-12.424) est venue confirmer cette responsabilité du tiers détenant.

 

Un tiers à une saisie conservatoire non coopératif est condamné.

Rappel des faits

Dans les faits, il s’agit de la société Pixmania qui a géré une plateforme en ligne mettant en relation des vendeurs professionnels avec des clients. Parmi ces vendeurs professionnels, la société Elite GSM a fait l’objet d’une saisie conservatoire demandée par la société Pixmania. Cette saisie conservatoire portait notamment sur des stocks détenus par la société Amazon France.

En février 2016, la société créancière Pixmania a été placée en liquidation judiciaire.

Fin février et début mars 2016, un huissier de justice a procédé à 2 saisies auprès d’Amazon France logistique sur les stocks de la société débitrice Elite GSM.

Début juin 2016, le liquidateur de la société créancière Pixmania a assigné le groupe Amazon France et Amazon EU pour son manquement à son devoir de collaboration concernant le bon déroulement des saisies conservatoires. Le liquidateur demande la condamnation solidaire d’Amazon France au paiement des causes de ladite saisie.

Le litige est porté devant la Cour d’appel qui condamne le groupe Amazon au paiement solidaire des causes de la saisie.

Le groupe Amazon se pourvoit en cassation et se défend en arguant que l’interpellation faite par l’huissier pour procéder aux saisies conservatoires n’a pas été notifiée en personne au groupe Amazon. Quelques jours après cette interpellation, le groupe Amazon a répondu par courriel à l’huissier en l’informant que le stock faisant l’objet de la saisie était réparti dans plusieurs centres de distribution. Ayant répondu par mail à l’huissier, le groupe Amazon estime qu’il s’agit d’un motif légitime pour ne pas répondre à l’interpellation effectuée quelques jours plus tôt. De ce fait, le groupe Amazon estime qu’il n’a pas à être condamné sur ce fait.

Mais la Cour de cassation rappelle les obligations du tiers qui détient les biens faisant l’objet d’une saisie conservatoire. Ce dernier doit déclarer tous les biens qu’il détient pour le compte du débiteur à l’huissier de justice chargé de la saisie. Le fait que le tiers ait fourni les informations demandées par mail postérieurement à l’interpellation par l’huissier ne lui permet pas d’être exonéré de cette obligation d’information.

De plus, dans les faits le groupe Amazon France et EU a fourni par la suite des informations complémentaires inexactes à l’huissier. Par conséquent, la Cour estime que la responsabilité du groupe Amazon est mise en cause, quand bien même ce tiers aurait fourni immédiatement toutes les informations demandées par l’huissier. À partir du moment où Amazon a fourni par la suite des informations complémentaires erronées, cette société voit sa responsabilité engagée.

Par conséquent, la Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme la condamnation du groupe Amazon France et EU au paiement solidaire des causes de la saisie.

Une lourde condamnation pour le tiers défaillant

La possible condamnation d’un tiers défaillant dans le cadre d’une saisie conservatoire peut être lourde de conséquences pour ce dernier. Dans les faits, au vu du montant de la saisie conservatoire la société Amazon EU a tout de même été condamnée à payer la somme de 593 756,01 euros.

Dans le cadre d’une telle procédure, cet arrêt rappelle donc l’importance de :
• répondre immédiatement à la demande d’informations de l’huissier de justice procédant à la saisie conservatoire ;
• ne pas fournir d’informations mensongères ou inexactes.

La condamnation encourue dans le cas contraire pour le tiers défaillant est généralement dissuasive avec :
• le paiement solidaire des causes de la saisie ;
• le paiement de dommages et intérêts.

Par conséquent, même si un tiers qui détient des biens d’un débiteur faisant l’objet d’une saisie conservatoire n’est pas concerné directement par les effets de cette saisie, ce dernier a un devoir de coopération et d’information pour le bon déroulement de la saisie. L’objectif derrière cette prise de position jurisprudentielle est de dissuader des tiers tentés de dissimuler des biens faisant l’objet d’une saisie conservatoire.

Dès lors, tout tiers détenteur de biens faisant l’objet d’une saisie doit être réactif quant aux demandes d’informations de l’huissier chargé de la saisie conservatoire. De plus, le tiers doit fournir des informations complètes et exactes relatives à ces biens saisis afin d’éviter toute mise en cause de sa responsabilité.

 

Amazon condamné pour ne pas avoir coopéré pendant une saisie conservatoire

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