Résolution d’un contrat : l’inutilité d’une mise en demeure

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Résolution d’un contrat : l’inutilité d’une mise en demeure

La bonne exécution d’un contrat peut rapidement se trouver compromise, notamment lorsque les rapports entre les parties se dégradent. Dans ce cas, il peut être salvateur pour les cocontractants de rapidement mettre fin au contrat. Le Code civil prévoit la résolution unilatérale d’un contrat, notamment lorsque l’un des cocontractants ne respecte pas ses obligations.

Dans ce cas, l’article 1226 du Code civil prévoit une obligation de mise en demeure afin d’informer le débiteur de la résolution du contrat. La mise en demeure à des fins d’information a pour principal objectif de protéger les droits de la partie faisant face à une résolution du contrat qu’elle n’a pas initiée.

Or, la Cour de cassation (Com. 18 oct. 2023, n° 20-21.579) a dernièrement eu l’occasion de se prononcer sur la validité de la résolution unilatérale d’un contrat sans mise en demeure. Ce litige invite à se prononcer sur la possible exception de l’obligation de mise en demeure lorsque le comportement de l’un des cocontractants rend manifestement impossible la continuité du contrat. Voici sa réponse…

 

 

Conflit exécution contrat

Des relations tendues entre les cocontractants

L’exécution de certains contrats est vouée à l’échec lorsque les cocontractants entretiennent une relation conflictuelle. En l’espèce, une société spécialisée dans la taille et le façonnage du calcaire et du marbre a fait appel à une société de maintenance de machines et d’équipements mécaniques pour la maintenance de ses équipements.

La société cliente a déposé une scie à la société prestataire afin d’y effectuer des réparations. Cette dernière a accepté le devis du prestataire. Par la suite, la société cliente a jugé que les réparations effectuées sur ladite scie n’étaient pas satisfaisantes.

Partant de ce constat, les rapports entre les deux sociétés se sont tendus. Le dirigeant de la société cliente a eu des propos insultants et des comportements inappropriés vis-à-vis de la société de maintenance.

Une mise en demeure jugée vaine en l’espèce

La société de maintenance n’a pas souhaité continuer l’exécution du contrat de maintenance, au vu du comportement jugé inapproprié du dirigeant de la société cliente. De ce fait, la société de maintenance a résilié unilatéralement le contrat et a assigné son cocontractant en paiement de plusieurs factures restées impayées à cette date. Or, la société cliente refuse de s’exécuter, n’ayant pas reçu de mise en demeure lui signifiant la résolution unilatérale du contrat.

L’affaire est portée devant la Cour d’appel de Poitiers. Au vu des témoignages, la Cour d’appel a jugé que la mise en demeure pour signifier la résolution du contrat était ici vaine en raison des rapports extrêmement tendus entre les cocontractants empêchant la bonne exécution du contrat.

La société cliente a été condamnée à payer les factures en attente de paiement à la société de maintenance. Face à cette décision, la société condamnée s’est pourvue en cassation. Cette dernière estime qu’elle n’a commis aucun manquement pouvant justifier une résolution unilatérale du contrat, d’autant plus qu’aucune mise en demeure ne lui a été parvenue pour l’informer de cette résolution.

La Cour de cassation a été invitée à se prononcer sur la gravité du comportement du dirigeant de la société cliente pouvant justifier la résolution unilatérale du contrat sans mise en demeure préalable.

Devant les pièces apportées au dossier, la Cour de cassation a estimé que le comportement du dirigeant de la société cliente était d’une telle gravité qu’une mise en demeure s’avérait vaine en l’espèce. En effet, la Cour de cassation a considéré que le contrat ne pouvait continuer à s’exécuter face au comportement inapproprié du dirigeant de la société cliente.

 

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Décision cour de cassation mise en demeure vaine

Une nouvelle exception à l’obligation de mise en demeure

La résolution unilatérale est prévue à l’article 1224 du Code civil. En effet, l’article 1224 du Code civil dispose que « La résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. »

De même, l’article 1226 aliéna 1 du Code civil prévoit que « Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. »

Ainsi, le Code civil prévoit une seule exception à l’exécution d’une mise en demeure dans le cadre d’une résolution unilatérale du contrat : l’urgence.

La notion d’urgence peut ici s’entendre par un certain degré de gravité nécessitant la fin du contrat dans les plus brefs délais.

Or, dans cette affaire, aucune notion d’urgence n’est évoquée. Il est uniquement fait mention du comportement jugé inapproprié du dirigeant de la société cliente.

De par cet arrêt, la Cour de cassation ajoute ainsi une nouvelle exception à l’obligation de mise en demeure : l’inutilité de la mise en demeure. Si l’urgence peut susciter diverses interprétations, il en va de même pour le caractère inutile d’une mise en demeure.

Or, en l’espèce la Cour de cassation semble vouloir restreindre cette exception à des cas exceptionnels où la nature des rapports entre les parties au contrat rend impossible la continuité du contrat.

L’inutilité de la mise en demeure ne constitue donc pas la règle, mais doit être perçue comme une exception afin de préserver les droits des parties et de mettre rapidement fin à une relation contractuelle conflictuelle.

Pour les contrats dont les montants en jeu sont importants, il est vivement conseillé de faire signifier par acte de commissaire de justice la résolution d’un contrat. Ainsi, il ne pourra pas être fait opposition à cette résolution sur le fondement de l’absence d’une mise en demeure. La mise en demeure effectuée par un acte de signification peut être facilement prouvée et ainsi éviter tout litige sur ce fondement.