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Réforme de la procédure civile

au 1er janvier 2021 – épisode 2

Annoncée de longue date et amorcée par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, la réforme de la procédure civile obligeait alors les praticiens du droit à se plonger sans délai dans ses dispositions prenant effet pour la plupart dès le 1er janvier 2020.
Maintes fois commenté, décortiqué, expliqué et critiqué, ce texte emportait diverses conséquences et transformait de façon substantielle l’organisation de notre système judiciaire.

Sans rentrer de nouveau dans les détails multiples de ce décret, les principales mesures qu’il prévoyait étaient les suivantes :
- Fusion des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance pour former le Tribunal Judiciaire ;
- Unification des modes de saisine des juridictions, aboutissant notamment à la suppression de la déclaration au greffe ;
- Généralisation du mécanisme de prise de date avant saisine de la juridiction ;
- Renforcement des modes amiables de règlement des litiges (conciliation, médiation ou procédure participative) ;
- Mise en place d’une procédure sans audience devant le tribunal judiciaire ;
- Extension de la représentation obligatoire par avocat, y compris en référé et devant le tribunal de commerce ;
- Consécration du principe de l’exécution provisoire de droit des décisions de justice rendues en première instance.

Bien que ce texte soit déjà extrêmement fourni, des ajustements et correctifs ont récemment été apportés par le décret n°2020-1452 du 27 novembre 2020 « portant diverses dispositions relatives notamment à la procédure civile et à la procédure d'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions ». La majorité des articles de ce récent décret étant applicables dès le 1er janvier 2021, les professionnels du droit se trouvent une nouvelle fois obligés d’en appréhender la teneur dans l’urgence.
Petit tour d’horizon des principales mesures de la réforme de la procédure civile depuis le 1er janvier 2021.

Péremption du commandement de payer valant saisie (5 ans)

Voici une mesure qui devrait faire l’unanimité auprès des praticiens engagés dans une procédure de saisie immobilière, souvent longue et semée d’obstacles. Jusqu’à présent, la durée de validité de l’acte délivré par l’huissier de justice n’était que de deux ans. Ce délai relativement court imposait très souvent au créancier de saisir le juge de l’exécution en vue d’obtenir la prorogation des effets du commandement, ce qui occasionnait immanquablement de nombreuses complications supplémentaires.

Dans la mesure où l’entière procédure est basée sur la régularité de ce commandement, on comprend le soulagement des professionnels découvrant la nouvelle rédaction du premier alinéa de l’article R.321-20 du Code des procédures civiles d’exécution : « Le commandement de payer valant saisie cesse de plein droit de produire effet si, dans les cinq ans de sa publication, il n'a pas été mentionné en marge de cette publication un jugement constatant la vente du bien saisi.»

 

délai validité commandement de payer

 

représentation obligatoire avocat réforme procédure civile 2020

Assignation avec représentation obligatoire devant le tribunal judiciaire

Une seconde mesure aura également le mérite de soulager un peu les avocats, qui s’étaient globalement montrés hostiles à l’obligation de mentionner dans la demande « les adresse électronique et numéro de téléphone mobile du demandeur lorsqu’il consent à la dématérialisation ou de son avocat ».

Bien que cette obligation disparaisse dans les assignations délivrées par huissier de justice, il semble qu’il faudra toujours transmettre ces coordonnées sur le formulaire du portail de prise de date, qui nécessitera probablement une confirmation du demandeur par SMS. Les avocats pourront néanmoins se rassurer en se disant qu’a priori seule la juridiction devrait y avoir accès.

L’article 54 6° du Code de procédure civile prévoit actuellement que la demande initiale mentionne « L'indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire. ». Cette mention glisse de l’article 54 à l’article 56, celui-ci étant relatif aux seules assignations.

Pour les demandes formulées par voie de requête, c’est désormais le greffe qui se chargera de communiquer ces informations essentielles aux parties.

Enfin, l’article 763 du Code de procédure civile qui impose au défendeur de constituer avocat dans les quinze jours de l’assignation est complété pour tenir compte des éventuels délais de comparution réduits, notamment en matière de référé.
Le décret lui ajoute donc la disposition suivante, logique et bienvenue : « Toutefois, si l’assignation lui est délivrée dans un délai inférieur ou égal à quinze jours avant la date de l’audience, il peut constituer avocat jusqu’à l’audience ».

Prise de date devant le tribunal judiciaire

Applicable au 1er juillet 2021, il s’agit probablement de la disposition qui engendrera le plus de complications. Jusqu’à présent, il était prévu par l’article 751 du Code de procédure civile que, pour les demandes formées par assignation, la date d’audience soit communiquée au demandeur « par tout moyen ». La formule volontairement imprécise offrait au greffe comme aux parties une certaines souplesse quant au moyen utilisé (téléphone, fax, mail, tableaux d’audience…).

Désormais, le même article conditionne cette communication de date d’audience à la « présentation du projet d’assignation », tout en indiquant que « un arrêté du garde des Sceaux détermine les modalités d’application du présent article. »
Nous n’avons donc pas encore de certitude sur le mode opératoire qui sera appliqué, mais il y a fort à parier qu’en l’état les praticiens froncent déjà les sourcils à la lecture du texte.

Ce système s’avère en effet potentiellement générateur d’importantes difficultés matérielles et juridiques sur divers points ; gestion de l’arrivée massive des projets, réponse automatique ou manuelle, délai de traitement et de réponse, modification de l’assignation… Le risque est d’autant plus important pour le professionnel saisi en urgence et risquant d’engager sa responsabilité en cas de caducité, forclusion, déchéance…

 

Prise date audience réforme procédure civile 2020

 

délais de remise de l’assignation au greffe réforme procédure civile 2020

Délais de remise de l’assignation au greffe

Cette mesure modifie l’article 754 du Code de procédure civile qui prévoit les délais de placement des assignations, à savoir :
- quinze jours avant l’audience ;
- si la date d’audience est communiquée par voie électronique, dans les deux mois de cette communication.
Si la juridiction est saisie par la remise au greffe d’une copie de l’assignation, il convient de rappeler que cette remise doit intervenir dans les délais indiqués ci-dessus « sous peine de caducité ».

La nouvelle rédaction de l’article inclut une précision remarquable puisque le placement au moins quinze jours avant l’audience s’impose « sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance ».

Cette disposition logique est à saluer car elle permet d’intégrer les saisines courtes notamment en matière de référé ou d’assignation à date fixe.

Une difficulté apparaît néanmoins dans le cas où le greffe transmet la date dans un délai tout juste supérieur à ces quinze jours (par exemple 16 jours). Dans cette hypothèse, le professionnel devra non seulement faire délivrer l’assignation mais également en remettre une copie au greffe le jour-même pour éviter la caducité… Et si l’avocat est de surcroît saisi en urgence du dossier et doit au préalable adresser son projet d’assignation (voir point 3), la mission semble carrément impossible.

Représentation obligatoire devant le tribunal judiciaire

La réforme initiée en fin d’année 2019 étendait la représentation obligatoire par avocat dans les matières relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire.

L’article 761 du Code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction, énonce désormais que « Dans les matières relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire qui ne sont pas dispensées du ministère d’avocat, les parties sont tenues de constituer avocat quel que soit le montant sur lequel porte la demande.»

Ce texte introduit ainsi la possibilité de voir apparaître des matières exclusives au tribunal judiciaire mais dispensées du ministère d’avocat obligatoire, à surveiller à l’avenir.

 

représentation obligatoire devant le tribunal judiciaire reforme procédure civile 2020

 

déclarations d’appel réforme procédure civile 2020

Déclarations d’appel

Quelles que soient les modalités de l’appel interjeté, avec ou sans représentation obligatoire, le décret du 27 novembre 2020 supprime la référence à l’entier article 57 et par là-même l’obligation d’indiquer les pièces sur lesquelles la demande est fondée.

En revanche, les nouveaux articles 901 et 933 du Code de procédure civile renvoient dorénavant aux dispositions des 2° et 3° de l’article 54, ce qui a pour conséquence d’imposer dans la déclaration d’appel de mentionner « l’objet de la demande ».

Cette nouvelle disposition alourdit considérablement la tache du rédacteur de la déclaration d’appel qui devra donc quasiment conclure dès l’introduction de sa demande, au risque de faire doublon voire d’aboutir à la suppression de l’obligation de déposer ses conclusions dans les trois mois qui suivent.

Procédures sans audience

Visée par la réforme initiée en 2019, la procédure sans audience devant les juridictions civiles et commerciales trouve enfin ses modalités d’application dans le nouveau décret du 27 novembre 2020.
Ce type de procédure se déroule dans deux hypothèses :
• Soit elle est réclamée directement par les parties ;
• Soit elle résulte de la demande faite au juge par l’une des parties d’être dispensée de se présenter à une audience ultérieure.

Dans l’un et l’autre cas, les modalités sont harmonisées de la façon suivante :
- le juge « organise les échanges entre les parties » ;
- « celles-ci formulent leurs prétentions et leurs moyens par écrit » ;
- « La communication entre elles est faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par notification entre avocats et il en est justifié auprès [du juge] dans les délais qu’[il] impartit » ;
- le juge « fixe la date avant laquelle les parties doivent communiquer au greffe leurs prétentions, moyens et pièces » ;
- « à cette date, le greffe informe les parties de la date à laquelle le jugement sera rendu ».

Deux particularités viennent s’y ajouter dans l’hypothèse d’une procédure sans audience réclamée directement par les parties conformément à l’article L.212-5-1 du Code de l’organisation judiciaire :
-la décision est contradictoire ;
-le « juge peut décider d’organiser une audience s’il estime qu’il n’est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l’une des parties en fait la demande. »

 

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procédure de reprise des logements abandonnés réforme procédure civile 2020

Procédure de reprise des logements abandonnés

La procédure simplifiée de résiliation de bail d’habitation et de reprise des locaux abandonnés est prévue par l’article 14-1 de la loi du 6 juillet 1989 et a été organisée par le décret n°2011-945 du 10 août 2011.

Dans la mesure où le contentieux relatif aux baux d’habitation relève de la compétence exclusive du juge des contentieux de la protection, il est tout à fait logique que le décret du 27 novembre 2020 lui confie la procédure de reprise des logements abandonnés en lieu et place du juge du tribunal judiciaire.

En définitive, la réforme de la procédure civile se poursuite pas à pas, et ce nouveau décret du 27 novembre 2020 en annonce probablement d’autres à venir dans les prochains mois.

L’étude CERTEA suit évidemment de près ces évolutions afin d’être toujours en mesure de vous proposer un service de qualité conforme aux prescriptions légales.

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