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Porte close pour un huissier de justice

sans titre exécutoire

Dans un arrêt de la Cour de cassation en date du 17 septembre 2020 s’est posé la question de savoir si un huissier de justice peut forcer une porte d’entrée pour pratiquer une mesure conservatoire sans titre exécutoire. En d’autres termes, est-ce qu’un huissier peut faire forcer une porte d’entrée pour saisir des meubles sans que le juge de l’exécution ait expressément autorisé cette saisie ?

La Cour de cassation vient confirmer cette position dans cet arrêt en rappelant la procédure à respecter pour une saisie des biens d’un débiteur. Entre vie privée, inviolabilité du domicile et droits du créancier, l’interprétation faite du code de procédure civile est un exercice parfois délicat, en témoigne cette affaire.

Faillite saisie conservatoire huissier de justice

 

 

 

 

Rappel des faits

Dans les faits, il s’agit d’une banque qui a fait faillite. Son liquidateur a engagé des poursuites judiciaires à l’encontre de l’un des dirigeants de la banque. Sans entrer dans les détails des griefs qui sont reprochés à l’un des dirigeants de la banque, cet arrêt de la Cour de cassation revêt un caractère important aux yeux de la jurisprudence en ce qu’il se positionne sur la possibilité ou non pour un huissier de justice de procéder à une mesure conservatoire sans avoir entre ses mains un titre exécutoire.

La Cour de cassation se prononce également sur la possibilité pour une cour d’appel d’infirmer un jugement alors que l’appelant n’avait demandé que l’annulation de la mesure conservatoire en appel. Sans faire état des détails sur l’appréciation faite des articles du code de procédure civile et de la jurisprudence par la Cour de cassation, cette dernière juge en l’espèce que la décision de la Cour d’appel allait dans le sens de la jurisprudence applicable à la date du prononcé du jugement de première instance.

Concernant la question de la validité de la saisie, dans les faits le liquidateur a demandé que soient réalisées plusieurs saisies conservatoires sur des créances, des droits d’associés et des valeurs mobilières du dirigeant condamné. Le liquidateur a également demandé une saisie conservatoire sur les meubles présents au domicile du dirigeant. C’est sur ce dernier point que le dirigeant a contesté cette saisie conservatoire réalisée par un huissier de justice sans titre exécutoire en procédant à une ouverture forcée des portes d’entrée de son domicile.

Le caractère essentiel ou non essentiel de disposer d’un titre exécutoire est également à mettre en corrélation par rapport au respect du droit à la vie privée et à l’inviolabilité du domicile consacré notamment par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

En l’espèce, la Cour de cassation considère que la saisie doit être annulée.

Pas de saisie conservatoire au domicile du débiteur sans autorisation du juge

La Cour de cassation dans cet arrêt du 27 septembre 2020 privilégie une position d’équilibre entre l’exécution des mesures conservatoires d’une part et d’autre part le respect de la vie privée et du principe de l’inviolabilité du domicile.

Ainsi, dans cet arrêt la Cour de cassation rappelle qu’un huissier de justice ne peut procéder à une saisie des biens mobiliers au domicile de la personne faisant l’objet de cette saisie sans avoir en sa possession un titre exécutoire ou une décision de justice ayant force exécutoire.

Un créancier ne peut donc demander que soit réalisée une saisie conservatoire au domicile du débiteur si ce dernier ne peut faire état d’un titre exécutoire, d’une décision de justice ayant une force exécutoire ou d’une autorisation du juge de l’exécution.

Pour rappel, l’article L. 521-1 du code de procédure civile prévoit qu'une saisie conservatoire peut porter sur tous les biens meubles, corporels ou incorporels appartenant au débiteur. Le créancier peut faire procéder à la saisie conservatoire des biens de son débiteur situés dans un lieu servant à l’habitation et, le cas échéant procéder à cet effet à l’ouverture des portes et des meubles. Le droit à valeur constitutionnelle du respect de la vie privée et à l’inviolabilité du domicile - également consacré par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales - exclut qu’une telle mesure puisse être pratiquée sans une autorisation donnée par un juge.

Une mesure conservatoire ne peut, par conséquent, être pratiquée dans un lieu affecté à l’habitation du débiteur par le créancier sans que le juge de l’exécution l’y ait autorisé en application de l’article R. 121-24 du code des procédures civiles d’exécution *. Et ce, même dans l’hypothèse prévue à l’article L. 511-2 du même code dans laquelle le créancier se prévaut d’un titre exécutoire ou d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire. À défaut, la mesure doit être annulée.

La Cour de cassation rappelle donc ici qu’une simple condamnation du débiteur qui ne revêt pas une force exécutoire ne peut justifier une saisie conservatoire à son domicile.

La Cour de cassation opère dès lors un contrôle de proportionnalité entre le droit à la vie privée accompagné du principe d’inviolabilité du domicile et la nécessaire application des mesures conservatoires.

*Art R121-24 du code de procédure civile : « Dans tous les cas où, pour exécuter l'opération dont il est chargé, l'huissier de justice doit obtenir l'autorisation du juge, il est habilité à le saisir par voie de requête. »

 

Pas d'ouverture forcée d'une porte par un huissier de justice sans titre exécutoire

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