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L'exécution est poursuivie aux risques du créancier !

Les contentieux relatifs aux impayés sont nombreux. Bon nombre de litiges entre créanciers et débiteurs débouchent sur une procédure judiciaire. Plusieurs années peuvent défiler avant de faire exécuter la décision de justice ferme et définitive. Entre-temps, le créancier peut craindre que son débiteur ne vende ou dissimule aux mains d’autrui son patrimoine pour échapper au paiement de sa dette. Un créancier peut dès lors demander une saisie conservatoire provisoire. Mais que se passe-t-il si in fine cette saisie conservatoire est annulée ?

La Cour de cassation dans un arrêt en date du 17 septembre 2020 vient rappeler qu’une saisie conservatoire à la demande du créancier n’est pas sans risque pour ce dernier…

 

Saisie-conservatoire-huissier-de-justice

Rappel de l’intérêt de demander une saisie conservatoire

La saisie conservatoire fait partie des mécanismes de défense dont peut user un créancier qui craint que son débiteur organise son insolvabilité avant la date du procès. En effet, afin d’échapper au paiement forcé de sa dette auprès de son créancier, un débiteur peut être tenté de vendre, de donner ou de détruire un certain nombre de ses biens propres.

Pour éviter cela, un créancier peut demander à un huissier de justice de procéder à une saisie conservatoire s’il détient à l’encontre de son débiteur :
• un titre exécutoire ;
• une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire ;
• un chèque impayé ;
• un billet à ordre ;
• une lettre de change acceptée ;
• un contrat de bail d’habitation écrit lorsque la créance impayée représente un ou plusieurs loyers impayés.

Si le créancier ne détient aucun de ses documents, ce dernier devra préalablement faire une demande de saisie conservatoire auprès du juge de l’exécution.

À noter que la saisie conservatoire peut porter sur les biens meubles du débiteur, mais tous les biens meubles du débiteur ne sont pas saisissables. C’est notamment sur ce point que la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler dans cet arrêt du 17 septembre 2020 qu’un véhicule utilisé par le débiteur pour son activité professionnelle fait partie des biens insaisissables.

Mainlevée de la saisie après-vente aux enchères :

quid des biens vendus ?

En l’espèce la Cour de cassation dans cet arrêt du 17 septembre 2020 a relevé que la saisie conservatoire portant sur le véhicule du débiteur a été annulée. Cependant, avant cette mainlevée de la saisie conservatoire, le véhicule du débiteur a été vendu aux enchères publiques. Le débiteur ne peut donc pas reprendre son véhicule. Pourtant, ce véhicule était utilisé dans le cadre de l’activité professionnelle du débiteur. Par conséquent, le débiteur peut aisément démontrer le préjudice qu’il a subi de voir saisir son véhicule qui était nécessaire à son activité professionnelle.

Le débiteur a donc demandé une indemnisation de ses préjudices subis en raison de la vente de son véhicule saisi.

Sa demande a été rejetée au motif que le créancier n’a pas commis de faute en soi en demandant une saisie conservatoire qui a été exécutée avant d’être finalement annulée par le juge. Mais est-ce que la seule absence d’une faute du créancier suffit à le déresponsabiliser du préjudice subi par son débiteur suite à une saisie conservatoire provisoire qu’il a lui-même demandée ? Vers qui le débiteur peut-il se retourner dans ce cas ?

La réponse se trouve dans l’article L.110-10 du Code des procédures civiles d’exécution qui dispose que « L'exécution est poursuivie aux risques du créancier. Celui-ci rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié. ».

Cependant, en l’espèce la Cour d’appel a considéré que l’absence de faute de la part du créancier concernant l’exécution de la saisie conservatoire excluait l’application des dispositions de l’article L.110-10 du Code des procédures civiles d’exécution. La Cour de cassation a néanmoins cassé cet arrêt, et présente sans détour sa position sur cette question du prérequis de la faute du créancier pour dédommager le débiteur d’une saisie conservatoire ultérieurement annulée.

 

Vente-aux-encheres-publiques-saisie-conservatoire

 

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Le créancier tenu de réparer le préjudice

de la saisie sans faute de sa part

Dans cet arrêt, la Cour de cassation vient confirmer que l’application des dispositions contenues dans l’article L. 110-10 du Code des procédures civiles d’exécution n’est pas subordonnée à l’existence d’une faute de la part du créancier.

En effet, du moment où le créancier entend faire exécuter une saisie conservatoire qui reste par nature une saisie provisoire, ce dernier doit en supporter les risques. Par conséquent, si in fine la saisie conversation est annulée, le créancier est tenu d’en réparer les conséquences dommageables.

Cet arrêt de la Cour de cassation permet donc de rappeler à chaque créancier souhaitant demander l’exécution d’une saisie conservatoire que ces derniers doivent supporter les risques relatifs à l’exécution de cette mesure provisoire.

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